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Le choix de la raison

    Quand les deux navires s’entrechoquèrent, l’impact fut d’une telle violence qu’Or Azur fut projetée contre le vaisselier du mess. Perché sur sa tête, Lear dégringola et roula sur le sol. Se redressant dans plusieurs centimètres d’eau glacée, il se mit à piailler :​
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       -Waaaargh, je me mouille ! Au secours !​
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       Ã€ moitié sonné, Albynn regardait encore l’océan à travers un trou béant, généré par un boulet de canon. Le bloc de fonte avait impacté la coque par tribord lorsque le Vagalame avait rattrapé la caravelle et depuis, l’eau ne cessait de se déverser dans le mess. Se redressant tant bien que mal, Or se mit à quatre pattes et tâtonna à la recherche de Lear. Elle grimaça, l’eau glacée ruisselant sur le plancher lui trempant les jambes et les mains. Parvenant à retrouver son ami, elle le saisit par la taille et se mit à l’essorer distraitement. Tordu dans tous les sens, la poupée planta ses dents pointues dans la main d’Azur. Poussant un cri, l’adolescente le lâcha et Lear en profita pour bondir sur un meuble tout proche. Se retournant, il pointa une patte pelucheuse vers la Xelor et l’Eniripsa.​
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     -Feriez mieux de combler cette voie d’eau moussaillons ! Moi j’me barre ! Marre de jouer les chienchiens pour aveugles !​
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       Et de mettre sa menace à exécution, bondissant de buffet en table à manger. Ayant atteint les somptueux escaliers à colonnes, il en grimpa les marches en bondissant, pressé de rejoindre ses camarades au cÅ“ur de la bataille.​
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        La mâchoire contractée, Albynn bondit en arrière quand la paroi opposée du mess explosa dans un déluge de feu et d’écume. Saisissant Or par le poignet, l’Eniripsa la traîna derrière lui, grimpant quatre à quatre les marches qu’avait emprunté Lear. Parvenu à l’étage supérieur, il entraîna la jeune fille à travers le couloir des quartiers d’équipage. On y était au sec mais pour combien de temps encore ? Dans les étages inférieurs, l’eau commençait déjà à monter et les cales étaient à moitié inondées. Personne n’étant disponible pour fermer les portes étanches, Albynn se rendit compte qu’ils couraient tout droit à la catastrophe. Et Or qui demeurait aveugle. Guidant la Xelor jusqu’à un recoin du couloir, il l’a plaqua contre le mur d’une pression aux épaules. Tremblante, la jeune fille saisit ses poignets.​
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       -Albynn, qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que nous coulons ?​
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L’albinos soupira.​
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       Â« Pas encore, pensa-t-il, mais ce n’est plus qu’une question de temps. »​
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      Saisissant le visage de l’adolescente entre ses mains, il vit du coin de l’œil qu’une cabine avait la porte entrouverte, clé dans la serrure. Ebouriffant les cheveux d’Azur, il lui dit :​
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       -Ne t’inquiètes pas, le capitaine saura gérer ça. On va le rejoindre, tu veux bien ?​
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La Xelor opina du chef.​
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       -O…Oui, s’il-te-plaît !​
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       Saisissant ses poignets, Albynn l’incita à le suivre. Et au moment où elle le dépassa, il la poussa doucement à l’intérieur de la pièce. Se retournant, Or fut surprise de ne plus sentir l’Eniripsa derrière elle. Inquiète, elle tendit la main et ne rencontra que la surface lisse d’une porte. Porte dont la serrure produisit un déclic de mauvais augure. Médusée, la Xelor comprit aussitôt qu’Albynn l’avait enfermée et verrouillé la porte. Terrorisée, Or tenta d’actionner la poignée, en vain. Désespérée, elle appela Albynn, le suppliant de revenir. Les larmes aux yeux, celui-ci partit sans se retourner.​
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       -Pardon Or, mais ta place n’est pas là-haut., murmura-t-il avec regret.​
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